Au revoir Nelly Arcan !


     Il ne faut pas s’étonner que je réveille, aujourd’hui, cet après-midi, ce livre qui dormait, parmi tant d’autres, sur l’étagère.

 

 

Nelly

Arcan

 

 Folle


 
     Écrit comme ça. Un mot en dessous de l’autre. Quand on lit vite, ça fait un peu étrange.

     Je soulève la couverture.

     Rien. Une page blanche. Non. Crème. Rien d’autre.

     C’est étrange parce que j’écris toujours sur cette première page : raison de l’achat, date, tout ce qui me passe par la tête dans cet instant.

     Là, rien ?

     Peut-être le titre  m’a-t-il suffi ?

     « Folle ».

     Puis, au hasard des pages, un trait à l’encre mauve s’étire, seul témoin de mon passage.

 

Personne ne peut s’en prendre à une morte parce que les morts coupent le souffle, devant eux on marche sur les œufs. Sur un mur de mon appartement j’ai planté un énorme clou pour me pendre. Pour me pendre je mélangerai de l’alcool et des calmants et pour être certaine de ne pas m’endormir avant de me pendre, je me soûlerai debout sur une chaise, je me soûlerai la corde au cou jusqu’à la perte de conscience. Quand la mort viendra, je ne veux pas être là.

Aussi je mourrai parce que pour être aimée des autres il m’aurait fallu sourire. Je mourrai pour démontrer que le sourire est une façon de s’économiser comme le sommeil. Tu m’aimais mais tu détestais la tristesse sur mes lèvres fermées qui perdurait dans les moments heureux comme l’odeur du corps sous celle de la lavande. Bien sûr il m’arrivait de sourire mais le sourire des gens tristes a toujours quelque chose de laborieux, il met du temps à venir, ça ressemble aux poulains à peine sortis du ventre de leurs mères qui tentent de tenir debout ; pour y arriver, ils doivent s’y prendre à plusieurs reprises, et devant leurs mères désemparées, ils titubent, ils se cassent la gueule. Un jour d’anniversaire où j’avais dans les bras une nouvelle poupée, ma mère m’a frappée parce qu’elle en avait assez d’attendre la joie. Très tôt j’ai compris que dans la vie il fallait être heureux ; depuis je vis sous pression.» (Extrait de Folle de feu Nelly Arcand, Éditions du Seuil, septembre 2004)
 

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 Ce n’est jamais un adieu, ce n’est qu’un au revoir.

 

     

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